Ils ont été les élèves de Véronique Decrop à l’école du camp de site 2, à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge. Une trentaine d’années plus tard, que sont-ils devenus? Petite revue des effectifs.
( En cours d’écriture. Article incomplet)
• Nak est mort le 7 février 1995, électrocuté, alors qu’il accomplissait la corvée d’eau pour l’équipe Phare. Il avait 20 ans.
Il n’aura pas connu le centre. A cette époque nous habitions tous dans une grande maison à Battambang en surplomb du fleuve et nous n’en étions encore qu’à chercher le terrain idéal. Ci-dessous l’aquarelle de Nak représente le théâtre de Nong Chan (l’un des 7 camps de Site 2) dans l’esplanade de laquelle nous nous étions installés pour un temps.
J’ai dessiné l’école de Battambang ainsi que les bâtiments en m’inspirant du théâtre de Nong Chan.
• Rin Houeut (je n’ai pas de photo de lui) est le frère de Nak. Peu après ses funérailles, leur mère m’a demandé de prendre le petit frère. Moi qui n’arrivait pas à la regarder tant j’étais horrifiée de n’avoir pu protéger Nak de sa mort épouvantable c’est avec désespoir et reconnaissance que je l’ai entendu faire sa demande. J’ai accueilli Houeut pour le former en dessin. Il était très doué. C’est lui qui a tenu la chronique dessinée du centre. Ci-dessous deux de ses mines de plomb : champ et contre-champ du centre artistique.
Il nous a quittés un peu plus tard après avoir trouvé un très bon travail à Phnom Penh.
• Iao n’a jamais eu beaucoup de talent pour le dessin mais une vraie passion pour l’école de dessin à Site 2 à laquelle il était assidu. L’aquarelle ci-contre représente une victoire – j’avais exigé le minimum d’une aquarelle « exposable » en 1987 – Mais il avait atteint là son maximum. Par contre, il avait bien d’autres talents, celui, en autre, d’être suprêmement « démerdard»! C’est avec lui et Thouk que j’ai sillonné le Cambodge en 1993, alors que les réfugiés étaient rentrés au pays, à la recherche de mes élèves pour leur proposer mon projet de centre artistique à Battambang. Il a été notre « homme de toute main » lors de l’édification du centre. Puis il a intégré une formation en menuiserie à Battambang.
Il est maintenant responsable logistique dans un grand hôtel de Phnom Penh.
• Chan Thouk : lui non plus n’avait pas beaucoup de vocation pour le dessin mais lui aussi était un fidèle du cours de dessin à Site 2, plein de bonne volonté. L’aquarelle ci-contre parle à l’évidence de sa propre arrivée sur la frontière vers l’âge de 8-10 ans, avec un groupe d’adultes de son entourage mais sans ses parents morts ou perdus dans la tourmente khmère rouge. C’est sans doute pourquoi il se représente seul, perdu.
A Battambang, il a montré assez vite un vrai talent pour la cuisine et c’est pourquoi en 1997, je l’ai envoyé en formation cuisine au Sofitel de Phnom Penh.
Il est maintenant chef en cuisine dans l’un des plus grand restaurant de Phnom Penh
• Ssieun, après une histoire un peu chaotique et un renvoi du centre artistique est mort lors d’un règlement de compte. Il nous avait rejoint à Battambang fin 1996 et avait tout de suite commencé l’enseignement.
Mais à Site 2 rien n’était encore écrit de sa trajectoire dramatique, l’illustration ci-contre est un mixe de 4 aquarelles illustrant l’incendie d’Ampil (l’un des 7 camps composant Site 2) en 1991.
• Meth Savoeun avait fait partie de la toute première équipe au lancement du projet de centre artistique. Au bout de quelques mois et après réflexion il a compris que Phare ne lui apportait pas ce à quoi il aspirait. Il nous a quittés pour d’autres horizons.
• Svay Saret. Je revois Sareth, mince, élégant, maniant le crayon avec facilité, très intelligent, peut-être plus cérébral qu’artiste mais analysant très finement la démarche artistique.
Dans son aquarelle ci-dessus, il illustre les bombardements de 1985, alors que les camps étaient encore des camps de résistance. Ils étaient situés en territoire cambodgien pendant la saison des pluies qui favorisait les actions de guérilla pour se replier en Thaïlande lors de la saison sèche favorable à l’armée vietnamienne et ses chars. Lors de cette mémorable attaque de 1985, les populations des camps se sont enfuies vers la Thaïlande où les camps se sont définitivement fixés…
Sareth a fait partie de l’équipe d’origine à Battambang. Il a enseigné à l’ouverture du centre en 1995. Il a quitté Phare en 2002 pour continuer sa formation en arts plastiques en France. Il est actuellement directeur artistique d’Artisans d’Angkor et poursuit parallèlement sa carrière d’artiste à l’international.
J’avais rêvé qu’il occupe à terme le rôle de public relation et de direction dans le centre artistique de Phare à Battambang, qu’il mette sa grande aisance de langage et son intelligence aussi bien « politique » qu’artistique au service du centre, mais les circonstances en ont décidé autrement.
• Koun Deth. Il était timide et réservé. Son expression n’était pas le dessin. Il n’était pas seul dans son cas. Certains de mes élèves étaient dans le cours pour tout autre chose que le dessin ou la peinture. Cela a été le cas aussi pour Thouk et Lao. Et pourtant, ils ont tous suivi jusqu’au bout l’aventure de Phare au Cambodge.
En ce qui concerne Deth, j’ai appris par la suite qu’il suivait aussi dans le camp un cours d’initiation à l’acrobatie, ce qui lui assurera une place sans concurrence dans notre centre de Battambang lors de l’ouverture de l’activité cirque. Actuellement, il est directeur du cirque après avoir été (et être toujours) un professeur très performant. A ce point performant qu’il laissait époustouflés les professeurs de l’école de cirque de Phnom Penh constatant les progrès fulgurants de ses élèves.
• Lunn Lao.
Aquarelle ci-dessus, illustration des bombardements de Site 2 en 1985 et de la fuite des populations des camps au travers du fossé anti-char vers la Thaïlande.
Lao avec ses élèves dans le centre en 2012
Lao, à Site 2 était celui qui « possédait » le plus la technique de l’aquarelle. C’est-à-dire qu’il atteignait ce point d’équilibre parfait entre le temps de séchage de l’aquarelle et le temps de la composition de son image. Quand cette adéquation est réalisée, alors l’eau et la couleur se mettent à « chanter » en créant une infinité de petites circonvolutions harmonieuses. Et c’est un plaisir sans mélange, alors, de se plonger dans la contemplation des détails si fins et si subtils.
Lao enseigne le dessin dans le centre depuis son ouverture en 1995.
Lao dans cette histoire d’une dizaine de planches est encore tout imprégné de la problématique du camp et de l’enfermement qu’il représentait. Son histoire rappelle toutes celles qui avaient été imaginées dans le camp figé dans une attente sans espoir, après 1990. Mais il a imaginé cette série alors que nous étions au Cambodge et que le centre fonctionnait déjà. On peut penser qu’une étape n’a pas été franchie chez lui et qui reste à faire…
- Srey Bandol
- Thor Vutha
- Dy Mala